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L’importance de l’activité entrepreneuriale et de l’État de droit en Afrique

Réflexion sur l’entrepreneuriat et les affaires
Il n’apparaît pas évident de pouvoir établir un lien avant ces différents séminaires sur l’entrepreneuriat et ma posture de leader religieux. La vision que nous avions dans le passé, se basait sur l’hypothèse selon laquelle les tenants de la science entrepreneuriale pure y verraient d’ailleurs une intrusion, un amalgame bien fâcheux de mettre en relation l’entrepreneuriat dans le sens strict du terme avec la foi authentique. En effet, l’une relève du domaine de la science et l’autre est de nature religieuse. Mais alors au sortie de l’exposé de l’orateur M. Khalid Chaouki, sur le chapitre Religion, Etats, marches et sociétés civiles: former des sphères de subsidiarités, l’on se rend compte qu’elle (entrepreneuriat et foi authentique) s’adressent toutes les deux à l’homme, l’une touchant immédiatement au matériel, à l’ordre temporel des choses, l’autre relevant de la spiritualité.

L’Entrepreneuriat  est un des domaines principaux où nous pouvons vivre notre foi, aimer notre prochain, lutter contre la tentation, accomplir le dessein de Dieu Créateur, et réaliser notre potentiel de sainteté[1]. Après une année de formation intense sur les séminaires du Projet francophones, nous pouvons relever et sans risquer de nous tromper que l’activité entrepreneuriale est d’une importance fondamentale pour le bien-être matériel de l’Homme. Elle occupe beaucoup d’hommes et de femmes de ce temps qui dépendent d’elle, comme activité principale qu’ils réalisent dans les usines, les bureaux ou les magasins. Ce qui caractérise l’activité entrepreneuriale, en tant que réalité sociale, est le fait que de nombreux individus coopèrent à une entreprise commune, malgré la division du travail. Ceci exige un but et un objectif commun. La véritable fonction de l’activité économique est d’être un ensemble de services ; elle n’existe pas par elle-même[2]. En effet, le Concile Vatican II affirme que « l’activité économique doit se réaliser selon les lois et méthodes qui lui sont propres » (GS 64).[3] D’où l’importance de l’évaluation morale. L’activité économique bien plus dynamique d’une société industrielle ou post-industrielle cherche à aller au-delà de la satisfaction des besoins immédiats de l’Homme ; ainsi donc, la question des objectifs plus lointains se pose avec d’autant plus de force et ne peut plus être ignorée.

Le devoir de la théologie morale et des sciences éthiques est de défendre les idéaux de justice. Cependant, nous leaders religieux au sortie de ses différents séminaires, ne devons pas oublier de prendre en considération les réalités concrètes, tant géographiques que sociologiques du contexte dans lequel nous provenons.

Selon M. Khalid Chaouki, dans une économie libérale, l’objectif ultime d’une bonne gestion est la maximisation du profit. Les sciences économiques doivent enseigner la méthode et les règles qui permettent d’atteindre cet objectif et ce -selon l’économie libérale- sans qu’interviennent les valeurs morales. Une science économique libre de toute considération morale est ainsi proclamée. Mais à l’insu de ces principes froids et rigides, leur système de valeurs est celui de l’éthique utilitaire.

Nous sommes appelés à développer toute nouvelle attitude ou notion qui corrobore l’éthique utilitaire que nous avons acquise, depuis le début des séminaires, sur la façon dont nous, leaders religieux, désirons d’un grand désir une meilleure appréciation de la pan économie de l’entrepreneuriat afin d’être de meilleurs guides spirituels et moraux pour les hommes d’affaires de leurs troupeaux ou sphères d’influence ; tout en ayant en vue cette vision de l’Eglise et bien d’autres institutions, qui ont rejeté le théorème qui stipule que le but ultime de l’activité économique doit être le  « profit pour la domination » (GS 64); le profit ne peut qu’être qu’un objectif secondaire dans l’entreprise économique. Les entreprises et les économies de marché contribuent grandement au bien-être matériel, voire spirituel de notre société.

Réflexion sur l’État de droit et le fairplay
Après plus d’une quarantaine d’années des indépendances, il y a lieu de remettre en cause les différents systèmes politiques africains en général et ceux de l’Afrique francophone en particulier. Ces systèmes n’ont pas permis de mettre en place des structures étatiques capables de répondre aux attentes et demandes des populations. Les espoirs suscités au lendemain des indépendances se sont volatilisés et ont laissé la place au désespoir et au désarroi. L’Afrique francophone est passée du multipartisme au monopartisme, et du monopartisme à un retour et un atterrissage forcé à un nouveau multipartisme mal préparé, qui a replongé le continent dans des tensions permanentes et un cycle infernal de violence.

L’homme politique ne s’est pas encore démarqué de la conception traditionnelle du pouvoir comme étant une propriété privée, une affaire de clanisme et de clientélisme politique où la contradiction ne peut exister. Le chef doit régner en maître absolu sur ses sujets ; le cas du contexte camerounais retient davantage notre attention.

Sur le plan économique, les pays de l’Afrique francophones aspirent à devenir des pays émergents, à l’horizon 2035. Bien que légitime, cette ambition pourrait être contrariée par les fortes contraintes structurelles qui s’exercent sur l’économie et qui se traduisent par une croissance atone, ce qui ne permet pas, pour le moment, un véritable décollage. Aujourd’hui encore en Afrique francophone, l’économie croît à un rythme plus lent que la moyenne des États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). S’agissant des perspectives à moyen terme, l’économie devrait bénéficier du rebond de l’agriculture et de la baisse de la facture pétrolière, pour consolider sa reprise.

Le concept de fairplay/État de droit dans l’ordre politico-économique en Afrique francophone partirait avant tout de:

– La bonne gouvernance (politique, économique et administrative). Cette bonne gouvernance devra se traduire à l’intérieur de chaque Etat africain par la transparence, la compétence, un Etat de droit tourné vers la démocratie, la décentralisation, la bonne croissance économique et une bonne distribution du revenu national, sans oublier une grande administration digne et efficace.

-La démocratie et le respect des droits humains qui demeurent des garanties pour une stabilité au pouvoir et une sécurité à l’intérieur de l’Etat. Elle donne à chaque citoyen la conviction d’être partie prenante de la vie sociale. L’alternance au pouvoir, la tolérance politique, le partage du pouvoir, le fair-play et l’acceptation des défaites électorales devraient être intériorisés par les gouvernants passés, actuels et futurs et les gouvernés. Le respect des droits par la mise en place d’un Etat de droit où sont garantis les droits et libertés individuels, la pratique des vertus démocratiques et le respect des droits de l’homme entraînent la sécurité et la stabilité du pouvoir politique, qui, à leur tour, favorisent la croissance économique.

– Un développement durable. C’est un droit fondamental de l’être humain et le principal objectif à long terme de tous les pays d’Afrique. Sans développement, il n’y a guère d’espoir d’y réduire les conflits. Ainsi, cela exige la création d’un environnement propice aux investissements et à la croissance économique. Pour réussir ce développement durable, il faudra éduquer l’homme, clé de tout développement. L’éducation permet à l’être humain de comprendre l’importance et le contenu des projets de développement susceptibles de transformer son environnement, et pour lesquels son soutien est indispensable.

– Un développement social. Cela passe par un investissement dans les ressources humaines, la détermination des priorités en matière de santé publique et une meilleure attention à la justice sociale.

Il appartient plus aux gouvernements africains de prendre plus conscience que les concepts de fairplay/État de droit dans l’ordre politico-économique font bon ménage. iIls doivent s’engager (leaders politiques, religieux) pour faire régner l’Etat de droit, l’entrepreneuriat, l’éthique utilitaire et la sécurité de leur propre pouvoir ainsi que de celui des Etats qu’ils ont la charge de diriger.

 

BIBLIOGRAPHIE

  • Economie Justice for Ali, Lettre pastorale sur l’enseignement Social Catholique et l’Économie des USA (Washington: NCCB, 1986), no. 6.
  • Messner, Définit l’économie comme étant „l’utilisation de ressources peu abondantes pour accomplir des tâches déterminées par les objectifs existentiels selon la bonne raison“ (Social Ethics, St. Louis & London : Herder Book Co., 1965, 748). La définition classique de la science économique est „étude de l’utilisation de ressources peu abondantes pour la réalisation d’objectifs alternatifs“
  • Gaudium et Spes : Pastoral Constitution on the Church in the Modern World, no. 64.

[1] Economie Justice for Ali, Lettre pastorale sur l’enseignement Social Catholique et l’Économie des USA (Washington : NCCB, 1986), Introduction no. 6.
[2] J. Messner définit l’économie comme étant „l’utilisation de ressources peu abondantes pour accomplir des tâches déterminées par les objectifs existentiels selon la bonne raison“ (Social Ethics, St. Louis & London : Herder Book Co., 1965, 748). La définition classique de la science économique est étude de l’utilisation de ressources peu abondantes pour la réalisation d’objectifs alternatifs“.
[3] OS = Gaudium et Spes : Pastoral Constitution on the Church in the Modern World, no. 64.